Après
un premier tiers éprouvant dans une barre rocheuse, nous nous
sommes engagés dans une goulotte de glace très raide,
c'est alors que 400 m en dessus s'est produit une énorme avalanche
de pierres, nous étions juste dans sa trajectoire...
Après
avoir pris tant de risques en faisant abstraction de ce genre d'éventualités,
j'ai su que j'allais mourir...
... et
nous sommes passés à travers l'un et l'autre !
Bruno aurait continué, comme si de rien n'était, moi,
je n'ai pas pu, j'avais peur et je ne savais plus si j'étais
vivant ou mort...
Nous nous
sommes échappés de cette goulotte pour trouver un abri,
bivouac, orage, foudre pas loin. Le lendemain à l'aube, trempés
et gelés, nous sommes redescendus en rappel et l'hélico
est venu s'assurer que nous n'avions pas besoin de secours. Nous étions
en pleine paroi, le pilote était à 10 m, un infini nous
séparait.
Je n'ai
plus jamais grimpé ensuite.
Je voulais
connaître d'autres âges de la vie, avoir des enfants, vieillir.
Pratiquement
tous ceux que j'ai côtoyés à l'époque sont
morts prématurément.
Un mois
plus tard, je suis parti au service militaire dans la Marne, un voyage
par un train de nuit spécial "bidasses", qui nous a
laissé en pleine cambrousse, un camion nous attendait.
Je me suis
"suicidé" une heure après mon arrivée
dans le camp de Suippes, transféré à l'infirmerie,
gendarmes, puis à l'hôpital militaire de Nancy, où
j'ai été réformé P5 après avoir raconté
mille bêtises avec conviction.
Tout cela
m'a demandé un engagement très fort.
À
mon retour, j'étais complètement perturbé par ces
deux épisodes successifs : l'acceptation de la mort imminente,
puis le simulacre de suicide. Je ne savais plus du tout quel sens donner
à mon existence.
Un jour,
à la plage, j'ai suivi fasciné les évolutions dans
les vagues d'un des premiers windsurfers doté d'un "sinker",
on disait "waterstart" à l'époque.
Lorsqu'il est sorti
de l'eau, je suis allé voir l'objet et ma décision a été
prise en un instant : je devais concevoir ce genre de choses, m'en servir
peut-être, mais avant tout les fabriquer ! C'est à ce moment-là,
je crois, que le sculpteur s'est réveillé en moi.
Par la
suite, beaucoup de bruits ont couru sur le fait que je ne savais pas
naviguer et c'était vrai ! J'ai créé une entreprise
de customs sans jamais être monté dessus.
Mes motivations
étaient d'un autre ordre, un peu moins anecdotiques que ce qu'en
disait Planche Mag en 1987 !